Monsieur le
Maire,
Mesdames et
Messieurs les Conseillers,
Cette semaine
nous vous transmettons un texte rédigé par un de vos collègues -
José Mercier, maire de Bovel - et publié à la mi-juin dans le
Huffington
Post.
Nous espérons que vous serez, sinon convaincus, du moins sensibles à
ses arguments et à la passion qu'il met à défendre ses administrés
et ses convictions, loin de tout calcul politicien.
"Élu en 1993 maire de Bovel, 613
habitants, je m'oppose au déploiement des compteurs communiquants
Linky de la société Enedis. Depuis qu'en 2017 mon conseil municipal
a délibéré, et que nous avons fait appel du jugement annulant
notre délibération, des dizaines de gens me téléphonent ou
m'écrivent, certificats médicaux à l'appui, pour me dire qu'ils
sont malades, ne sachant plus à quel saint, à quelle justice, à
quel élu se vouer pour obtenir le droit de vivre dans un
environnement sain (NDLR : à l'heure actuelle, les études
scientifiques montrent que les compteurs n'ont pas plus d'impact sur
la santé que les anciens compteurs. Notre note: le contraire non
plus, aucune étude ne dit qu'il n'y a pas d'impact ni de danger).
Ai-je une seule bonne raison de ne pas
croire ces gens qui me disent qu'ils souffrent? De ne pas les
écouter? De ne pas tenter de les aider? Que feriez-vous? Quel maire
seriez-vous? Lorsqu'un agent (ils sont des milliers) venu relever mon
compteur me dit avec fatalisme: "dans deux ans je suis au
chômage", je préfère, comme la majorité d'entre nous, donner
quelques euros pour la relève annuelle de mon compteur.
Tous nos concitoyens savent que leurs
élus - maire, député, sénateur... ont beau jeu de se proclamer
responsables, puisqu'ils quittent presque toujours la scène
politique avant que les scandales sanitaires ou la dilapidation des
fonds publics n'apparaissent au grand jour.
Alors, que signifie dans le cas présent
être "responsable"? Responsables de la maîtrise de
l'énergie? Lorsque l'enjeu véritable d'une loi est financier, il
nécessite de la part des gouvernants l'affichage d'une belle
intention. Pour ces nouveaux compteurs, la belle intention se nomme:
Transition énergétique.
Lisons le récent rapport de la Cour
des Comptes, et découvrons que nous finançons bien, nous, usagers,
les 35 millions de compteurs communicants que la loi nous impose, que
l'opération sera financièrement positive pour le seul opérateur et
non pour l'usager, mais qu'il est fort probable que l'opération soit
inefficace pour la maîtrise de la consommation et le pilotage des
pics de consommation.
Responsables de notre sécurité alors?
Mais quelle loi responsable prévoit que soit vérifiée, avant la
pose d'un compteur, la compatibilité de la puissance délivrée avec
votre installation électrique existante, de manière à éviter tout
incendie? Aucune! Nombre d'usagers doivent-t-ils attendre que leur
installation disjoncte et que leur matériel soit détérioré, pour
découvrir que la puissance autorisée par les nouveaux compteurs est
de 13% inférieure à celle des compteurs électromécaniques, le
calibrage du disjoncteur intégré n'étant pas de même ampérage?
Oui! La souscription d'un abonnement supérieur est-elle bien
facturée? Oui! La pose de compteurs sur une propriété privée,
préconisée même en l'absence du propriétaire et contre son gré,
viole-t-elle délibérément les principes élémentaires du droit
privé? Oui! L'Etat est-il garant de la sécurité? Joker!
Élus plutôt responsables de la
transition numérique? Exactement! Or, capter, stocker et revendre
des informations sur nos modes de vie, même si nous y consentons,
ravale notre vie privée au statut de marchandise. C'est pourquoi un
"opérateur Big Data" n'est pas un service public mais un
marchand qui entend tirer profit de nos vies privées. Informations
sur notre consommation, notre santé, nos goûts, nos achats, notre
conduite automobile, etc. toute donnée devient source potentielle de
revenus, de calculs d'intérêt, d'offres personnalisées. Les
compteurs/capteurs de données, les condensateurs, en sont des
relais.
Élus responsables de la sécurité? La
protection de nos données personnelles est encadrée par des lois
que chaque gouvernement peut changer demain! Si les lois nous
protégeant aujourd'hui étaient respectées, aucune donnée
personnelle, jamais, ne serait transmise sans l'accord des personnes
concernées.
Mais que révèle la presse, que
montrent les jugements rendus sur ces questions, en France comme à
l'étranger? Violation et parfois impunité!
De l'aveu même du responsable national
du déploiement des compteurs/capteurs communicants la "course"
avec les hackers est "sans fin". L'anonymat de nos données
est donc un vœu pieux. Et rien ne met à l'abri les systèmes de
gestion des données d'une prise de contrôle mal intentionnée.
Entreprises, administrations, en font l'expérience. Un monde
interconnecté soi-disant pour notre bien, une vie bientôt
entièrement numérisée, des algorithmes traitant des centaines de
millions d'informations qui agissent et décident pour nous, nous
rendent passifs, assistés, dépendants, ignorants et contrôlés par
des choix politiques, et surveillés, conseillés, orientés,
formatés avec sollicitude par le monde marchand, à grand renfort de
puces et de capteurs, de la machine à laver à la brosse à dents...
Monde despotique, doux et anonyme, où nous sommes déjà intégrés
à notre insu en toute insécurité.
Attaché à l'Esprit des Lumières
plutôt qu'à celui des propagandes commerciales et des rhéteurs
politiciens, je préfère avoir raison tout seul ou peut-être avoir
tort seul mais agir selon ce qui pour moi est digne d'un Homme,
plutôt que de soumettre mon sens des valeurs au dictat du Code des
Collectivités Territoriales. Il définit les limites du pouvoir d'un
maire et permet donc aux tribunaux d'annuler les délibérations des
communes opposées aux compteurs communicants. Référence des
légalistes frileux et des adorateurs naïfs du dieu Progrès, ce
code ne suffit pas à donner sens à la fonction d'élu.
Je préfère saluer les actes courageux
et trop rares des conseillers municipaux et maires qui incarnent une
véritable éthique.
Défiant à l'égard des politiques, je
préfère espérer encore un monde préservé de cette
marchandisation et de cette déshumanisation que nombre d'entre nous
ne veulent ou ne peuvent pas voir. Aussi je solliciterai les
juridictions aussi loin que mon conseil municipal me permettra de le
faire. Espérer, que faire d'autre?
Je songe à ces mots d'Alexis de
Tocqueville, écrits en 1835, prémonitoires de ce monde
individualiste et de cette vie contrôlée, numérisée, peignant
avant l'heure cette solitude des interconnectés perdus dans leurs
écrans, saturés de news et de "fakes", aveugles à ce qui
se déploie sous leurs yeux:
"Je veux imaginer sous quels
traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde: je
vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux... Chacun
d'eux... est comme étranger à la destinée de tous les autres... Il
aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à
se réjouir... que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de
penser et la peine de vivre ?"
L'intelligence artificielle, pour
éviter "le trouble de penser et la peine de vivre"? Une
application téléchargée à la place du cœur? Non, merci!."
Et vous, que
comptez-vous faire, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les
Conseillers, pour protéger les intérêts de vos administrés ?
Avec l’expression
de nos salutations respectueuses.
Le collectif
anti-Linky de Noisy-le-Sec
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