Monsieur
le Maire,
Mesdames
et Messieurs les Conseillers,
Nous
vous proposons cette semaine de confronter la propagande d'Enedis en
faveur de ses capteurs Linky, concoctée sans doute par de savants
communicants, avec la réalité du terrain telle que de simples
citoyens s'attachent à l'observer.
Voici
(en caractères gras) ce que nous raconte Enedis :
1)
"Ce
nouveau compteur répond à de nouveaux besoins énergétiques et
vous offre de nombreux avantages pour mieux gérer votre consommation
et vos dépannages."
http://www.enedis.fr/
"Nouveaux
besoins énergétiques" ? De quoi parle-t-on ? En contradiction
avec les prévisions constantes d'EDF, depuis 2010 la consommation
d’électricité en France reste stable, avec une légère tendance
à la baisse, malgré la promotion de la voiture électrique et
l'installation de centaines de milliers d'écrans publicitaires aussi
invasifs qu’énergivores. En conséquence, les prix de gros de
l'électricité n'ont cessé de baisser dans toute l'Europe.
Et
quels seraient donc les "nombreux avantages" rendus
aux usagers ? Mystère et boule de gomme, sauf à considérer que se
faire capter ses données personnelles de consommation et risquer de
voir son alimentation électrique réduite voire coupée à distance
soit un avantage. Que croyez-vous qu'en pensent ceux qui, ne
disposant que d'un chauffage électrique dans un logement non isolé,
verront ainsi disparaître la possibilité de s'adresser à un être
humain pour faire entendre leur difficulté à payer leur facture ?
2)
"[Le compteur
communicant] répond au besoin de modernisation des réseaux
d’électricité en France. Pour maintenir notre niveau d’exigence,
nous remplaçons un matériel devenu obsolète et qui, dans certains
cas, peut avoir été installé il y a plus de 40 ans.
"
Avant
Linky, on changeait 700.000 compteurs par an pour la rénovation du
comptage, soit un changement par logement tous les 50 ans en moyenne.
Et cela fonctionnait relativement bien. A présent, Enedis
veut nous imposer le remplacement systématique de ces bons vieux
compteurs supposés "obsolètes" par des capteurs dont la
durée de vie n'est que de 10-15 ans ! Et au même moment, en haut
lieu, on parle de lutter contre l’obsolescence programmée. C'est
peu dire que la cohérence de nos dirigeants nous échappe...
Mais
il y a plus : selon des industriels du secteur s'exprimant en 2016,
le compteur Linky était, lui, déjà inutile et obsolète au moment
de sa naissance
(https://www.euractiv.fr/section/energie/news/smart-meters-not-needed-after-all-for-european-power-grid/).
L'Italie nous en offre d'ailleurs la confirmation : après avoir
achevé en 2014 le remplacement de tous les anciens compteurs par des
compteurs de type Linky, elle commence déjà, quatre ans plus tard,
à installer une nouvelle génération de compteurs encore plus
"intelligents". Merci pour la planète.
3)
"C’est un des points-clés du nouveau compteur communicant :
la possibilité de suivre votre consommation au jour le jour.
Le
compteur électrique communicant devient ainsi un outil utile au
quotidien pour maîtriser votre consommation d’électricité et
repérer les anomalies de consommation.
Pour accéder à ce
service, c’est très simple, il suffit de vous connecter à votre
compte client Enedis et de cliquer sur le menu “Suivre ma
consommation”. Vous aurez accès à votre consommation jour par
jour mais aussi demi-heure par demi-heure sur 24 heures si vous le
souhaitez. C’est une bonne façon de comprendre sa consommation
quotidienne."
Mais
bon, c'est un fait, le Linky est déjà installé dans plus de 10
millions de foyers. Alors comment comprendre que, malgré ce service
"si simple", les usagers concernés soient si peu nombreux
à en faire usage, comme le signale la Cour des comptes dans son
rapport : « Le taux d’ouvertures de compte par les usagers
disposant d’un compteur Linky est peu élevé (1,5%) ». Sauf
à considérer l'usager français comme un arriéré rétif à toute
forme de modernisation, le problème ne serait-il pas dans le
dispositif lui-même ? Ne serait-ce pas, se demandent les esprits
chagrins, qu'il a d'abord été conçu pour servir les visées
d'Enedis, l'offre de service aux usagers
servant surtout de paravent ?
4)
"Enedis expérimente des solutions concrètes pour lutter contre
le changement climatique.
L’objectif
? Raccorder les énergies
renouvelables au réseau grâce aux smart grids et développer la
mobilité électrique.
Ces
solutions facilitent aussi la maîtrise de la demande d'électricité
et limitent ainsi les pics de consommation qui font appel à la
production souvent la plus carbonée."
Tous
les écologistes de cœur n'ont-ils pas là, enfin, une bonne raison
de se réjouir de la solution Linky d'Enedis, puisqu'elle permet
l'intégration des énergies renouvelables dans le réseau ? Hélas,
là encore, la réalité refuse de se soumettre à la propagande.
Comment,
en effet, expliquer que les pays les plus avancés dans le
développement des énergies renouvelables estiment inutile
d'implanter partout des compteurs communicants ? L'Allemagne, par
exemple, a choisi de limiter leur installation aux grands
consommateurs d'électricité. Comment fait-elle ?
La
distribution d'une énergie renouvelable plus fluctuante n'impose de
toute façon pas que l'on connaisse les consommations au kilowatt
près de M. Dupont ou de Mme Durand. Connaître l'appel sur un
secteur serait amplement suffisant pour lui flécher l'énergie
nécessaire, sans en passer par l'intrusion d'un Linky dans toutes
les demeures.
Quoi
qu'il en soit, on sait que la France est à la traîne en matière
d'énergies renouvelables. Et pour cause : du côté d'EDF, la maison
mère d'Enedis, on continue à tout tabler ou presque sur le
nucléaire : 11 milliards d'investissement pour l'EPR de
Flamanville, 25 milliards pour les EPR d'Hinkley Point en
Grande-Bretagne, après les 9 milliards déjà engloutis par
Areva (qu'EDF contrôle désormais) pour l'EPR d'Okiluoto en
Finlande, sans compter les près de 100 milliards qu'il va
falloir sortir, selon la Cour des comptes, pour le "grand
carénage", condition du prolongement de la durée de vie des
centrales nucléaires (et, soit dit en passant, occasion d'accroître
la probabilité d'un accident majeur). EDF est tellement favorable
aux renouvelables qu'elle et en train de vendre au privé les
barrages et centrales hydrauliques qui fournissent depuis longtemps
une énergie renouvelable quasiment gratuite. Tout cela avec la
bénédiction du
gouvernement,
qui vient de repousser aux calendes grecques la réduction de 75 %
à 50 % de la part du nucléaire dans la production
d’électricité, inscrite pourtant dans la loi de transition
énergétique. Et s'apprête à engloutir 34 milliards
(estimation de l'ANDRA) dans la poubelle nucléaire de Bure.
Donc
où sont les énergies renouvelables qu'il serait si urgent
d'intégrer au réseau ?
Nous
sommes sans doute de
mauvais esprits, mais comment ne pas se demander si, loin de
favoriser l'intégration des énergies renouvelables, EDF-Enedis ne
cherche pas plutôt, avec le déploiement forcé du Linky, à adapter
la
consommation d'électricité à la rigidité de sa production
nucléaire ? Le Linky, en effet, lui offre la possibilité
d'effectuer à distance des délestages ciblés. Ainsi l'usager
risque-t-il de se voir proposer différents types d'abonnement, parmi
lesquels les moins chers comporteront une réduction de puissance à
distance aux jours-heures de pointe. Il ne faut pas beaucoup
d'imagination pour comprendre que les plus pauvres auront droit aux
restrictions et
aux coupures quand la production nucléaire française n'arrivera pas
à elle seule à répondre aux besoins. Aujourd'hui, nous faisons
face aux pics de consommation en important de l'électricité
d'Allemagne, où les centrales à gaz et à charbon offrent une
souplesse que ne permet pas le nucléaire. Demain, ce seront nos
pauvres qui payeront le prix des choix criminels faits par l’État
actionnaire d'EDF.
Et
si au moins ces choix avaient été affichés, nous aurions pu avoir
un débat de fond sur les choix de société qu'implique le
tout-nucléaire... Mais non, nous n'avons eu que culture du secret et
propagande, par médias interposés. Avec le Linky, porte d'entrée
de la société connectée, force est de constater que les mêmes
méthodes se reproduisent.
Face
à ce déferlement de propagande mensongère, que comptez-vous faire,
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers, pour
protéger les intérêts de vos administrés ?
Avec
l’expression de nos salutations respectueuses.
Le
collectif anti-Linky de Noisy-le-Sec